S’il
y en a un, en Hainaut occidental, qui connaît bien l’histoire de
notre frontière linguistique, c’est lui!
«Je
suis un homme de la frontière linguistique» dit d’ailleurs
André Bertouille.Sans elle, je n’aurais jamais mené la
carrière qui fut la mienne.»
Comme
Ellezellois d’origine, puis comme secrétaire communal de Comines,
deux localités particulièrement concernées, il vécut la
problématique de l’intérieur (lire le «Vite dit»).
C’est précisément en raison de son implication que le ministre
libéral René Lefèbvre (Lamain) proposa sa candidature pour
la Commission permanente de contrôle linguistique.
«
À partir de 1960, le branle-bas de combat partout »
«Installée
en 1964, celle-ci était chargée de veiller à l’application de la
loi du 8 novembre 1962, se souvient André Bertouille. La
commission existe toujours mais on n’en parle plus car les choses
sont pacifiées. Nous étions cinq Wallons, cinq Flamands – dont
Herman De Croo – et un germanophone. On se réunissait toutes les
semaines, un jeudi entier, en toute discrétion. Un vrai petit
parlement! Il y avait parfois des tensions mais, dans l’ensemble,
on s’entendait bien. On est devenu des amis. On avait en commun le
sens de la rigueur. Souvent flamandes, les plaintes étaient
généralement rejetées.»
André
Bertouille a dû quitter la commission en 1974 quand il est devenu
sénateur.
Si
le climat à l’intérieur de la Commission de contrôle
linguistique était plutôt feutré, il n’en fut pas de
même dans la période qui précéda la création de la frontière
linguistique.
«À
partir de 1960, ce fut la grosse bagarre, le branle-bas de combat
partout, se souvient André Bertouille. Cette frontière,
ce sont des Flamands qui l’exigeaient car ils ne voulaient plus de
taches wallonnes sur la peau flamande. Partisans d’une Belgique
unie, les libéraux refusaient l’établissement de cette frontière.
Quant aux Mouscronnois, bien que francophones en grande majorité,
ils ne voulaient pas quitter la Flandre occidentale pour le Hainaut:
députés de l’arrondissement de Courtrai, le PSC Robert Devos et
le PS Marcel Demets craignaient de perdre leur place à la Chambre.
Puis on leur promit qu’ils pourraient rester parlementaires via
l’arrondissement de Tournai-Ath-Mouscron…»
Qualifiée
d’«oukase» par certains, car adoptée sans majorité
spéciale, la loi fut finalement votée par une majorité de députés
flamands et une minorité de députés francophones.
«
Les Cominoisont été chouchoutés »
Cinquante
ans plus tard, quel regard jette-t-on sur la loi de novembre 1962?
«Son
entrée en vigueur a contribué à la pacification communautaire en
ce sens qu’elle mettait fin à une forme d’instabilité, disent
des politologues. Jusque-là, à chaque recensement décennal,
le régime linguistique des communes proches de la frontière pouvait
changer.»
«À
Comines, les gens ne voudraient pas faire marche arrière, observe
André Bertouille, où sa fille Chantal est échevine. Un des
effets de la loi est qu’ils ont été chouchoutés. Avant 1960,
c’était un bled, un petit patelin flamand. Il n’y avait pas de
zoning, ni de maison de la culture. L’enseignement était
cahin-caha. L’institut Saint-Henri a pris de l’ampleur. Puisqu’on
créait de l’industrie, on a créé l’école technique
Saint-Joseph, des sections professionnelles à l’athénée et des
cours du soir…»
L’éloignement
par rapport à Tournai, à Mons?
«Les
gens étaient jugés à Ypres, mais en flamand. Maintenant, ils sont
jugés en français. Et on leur a donné un juge de paix. C’est
peut-être pour les fonctionnaires que cela a été le plus dur, eux
qui étaient particulièrement bien soignés à Bruges, où tout se
passait en français.»
François
descy l'avenir
Les territoires modifiés
Voici
des extraits de la loi du 8 novembre 1962, entrée en vigueur le 1er
septembre 2013, suite à laquelle de nombreux territoires sont passés
de l’autre côté de la frontière linguistique. Notre région fut
largement concernée.
1.
Provinces et arrondissements«Les communes de Comines, Houthem,
Bas-Warneton, Warneton et Ploegsteert sont distraites de
l’arrondissement d’Ypres et de la province de Flandre occidentale
et rattachées au Hainaut. Les communes de Mouscron, Luingne,
Herseaux et Dottignies sont distraites de l’arrondissement de
Courtrai et de la Flandre occidentale et rattachées au Hainaut. Les
communes susvisées forment un arrondissement administratif ayant
Mouscron comme chef-lieu. Les communes de Orroir, Amougies et
Russeignies (arrondissement d’Audenaerde) sont distraites de la
Flandre orientale et rattachées à l’arrondissement de Tournai,
dans le Hainaut. La commune d’Everbeek (arrondissement d’Ath) est
distraite du Hainaut et rattachée à l’arrondissement
d’Audenaerde, dans la province de Flandre orientale. Les communes
de Biévène et Saint-Pierre-Capelle (arrondissement de Soignies)
sont distraites du Hainaut et rattachées à l’arrondissement de
Bruxelles, dans le Brabant.»
2.
Communes«Les limites des communes mentionnées ci-après sont
modifiées comme suit. Le hameau Clef d’Hollande est distrait de la
commune de Neuve-Église et rattaché à la commune de Ploegsteert.
Le hameau de Kruiseyck est distrait de la commune de Comines et
rattaché à la commune de Wervicq. Le hameau de Risquons-tout est
distrait de la commune de Rekkem et rattaché à Mouscron. Les
hameaux de Breucq, de Cocambre et de La Haute sont distraits de la
commune d’Ellezelles, dans la province de Hainaut, et rattachés à
la commune de Renaix, dans la province de Flandre orientale. Le
hameau de La Hutte est distrait de la commune de Flobecq, en Hainaut,
et rattaché à la commune de Opbrakel, en Flandre orientale. Les
hameaux de Akrenbos, Donkerstraete et Haie-de-Viane sont distraits de
la commune de Deux-Acren dans le Hainaut et rattachés, le premier, à
la commune de Biévène dans le Brabant, les deux autres à la
commune de Viane dans la province de Flandre orientale. Les hameaux
du Vert-Chemin et de Warresaix sont distraits de la commune de
Biévène et rattachés à la commune de Bassilly.»
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