Sur
la scène du Musée de la Rubanerie, se dresse un imposant « buffet
d’orgues textiles. » Composé de pièces de bois
chantournées, d’une mécanique aux aiguilles de métal, de cartons
dansants et de milliers de cordelettes en suspension, il frappe
d’emblée le regard par ses dimensions colossales (500 x 450 x 180
cm). Obtenu à la suite d’un échange, ce métier à tisser des
motifs au jacquard provient de la région de Lyon, plus précisément
de Saint-Etienne, dans le sud de la France. Datant vraisemblablement
de vers la moitié du dix-neuvième siècle, il fonctionnait grâce à
une barre actionnée par le tisserand. Cette machine travaillait
donc… à domicile ! Pour ce faire, les demeures stéphanoises
dévolues au tissage comportaient une particularité : un orifice
était ménagé dans le plancher afin de faire passer la couronne du
métier à l’étage. On tissait donc dans le salon et on changeait
les cartons ou graissait la mécanique dans la chambre à coucher
La
région lyonnaise a toujours été célèbre pour son travail de la
soie. En effet, cette matière a fait les beaux jours des tisserands
et manufacturiers et elle se matérialise dans le soin particulier
apporté à la décoration de l’engin. Ici, de nombreux motifs
marquetés (c’est-à-dire faits d’incrustations de bois de
couleurs différentes dans l’âme du bâti) ou réalisés au tour à
bois (pinacles, oves…) en témoignent. Ce qui atteste à la fois de
la fierté de l’artisan envers sa profession mais aussi que le
métier à tisser, propriété du rubanier, était un des plus beaux
meubles, sinon le plus beau, du logis.
D'autres
particularités attestent du caractère exceptionnel de la machine et
du savoir-faire de ses concepteurs. En effet, chaque contrepoids et
chaque lisse (ou anneau à travers lequel passe le fil de chaîne)
sont réalisés en verre moulé, matériau depuis belle lurette
remplacé par du métal. La proximité avec de grands ateliers de
verrerie (comme ceux de Saint-Just-sur-la-Loire, spécialisés dans
la réalisation du verre à l’ancienne et pourvoyeurs de chantiers
de restauration à l’échelle planétaire) le justifie.
Les
rubans que l’on y tissait servaient essentiellement à produire de
la sangle usitée pour héler les domestiques dans les châteaux ou
les riches demeures. Le Musée en conserve un exemple à travers un
motif représentant une licorne entourée de rinceaux. Après avoir
servi noblement au domicile du tisserand, la machine a été
partiellement amputée (on lui a enlevé sa barre) puis mise en usine
où, par le biais d’arbres et de poulies de transmission, la force
vapeur a remplacé les bras de l’homme. Banalisé, sorti de son
contexte historique et humain, le meuble avait perdu de sa
signification jusqu’à ce qu’il soit remis en valeur à la place
d’honneur du Musée de la Rubanerie cominoise, en attendant une
restauration future garantissant l’historicité de l’œuvre. Il
rappelle encore que Comines s’essaya au tissage de la soie
naturelle à la fin du XIXe siècle. La Rubanerie a d’ailleurs
introduit une demande de classement de ce bien unique auprès du
Ministère de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles de
Belgique. Affaire à suivre…
N'oubliez
pas de suivre nos chroniques sur le site de Proscitec (page
La Rubanerie du réseau PROSCITEC)
et de Visit.Wapi (La
Rubanerie dans le musée virtuel de Wallonie picarde).
Olivier
CLYNCKEMAILLIE
Conservateur/directeur,
Délégué général chez Musée de la Rubanerie cominoise
|
14.4.20
Musée de la Rubanerie - "Les grandes orgues rubanières, pour une symphonie allant de… soie ! »
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