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2.1.18

Rudy Vandorpe vient d’achever une carrière de 42 ans de gardien de prison

Des sinistres geôles saint-gilloises à la prison humaine de Tournai, Rudy Vandorpe témoigne de l’évolution du milieu carcéral.
À 65 ans, le Cominois Rudy Vandorpe vient d’achever une carrière de 42 ans et 4 mois comme gardien de prison. Un métier méconnu qu’il a pourtant apprécié pour ses côtés humains, malgré son indignation face à un système destructeur, surtout en début de carrière.
Il y a une dizaine d’années, il entreprend d’écrire ce qu’il ressent, compilant ses mémoires: «Tant que j’étais en fonction, en accord avec ma hiérarchie, je n’ai rien publié. En retraite depuis le 1er juin 2017, je voulais que mon témoignage soit lu. J’ai contacté Jean Milleville, que j’avais rencontré dans le cadre d’activités en haltérophilie et je lui ai demandé de relire mes notes.»
Tout débute le 27 janvier 1975, à la prison de Saint-Gilles: «On n’est pas vraiment préparé à découvrir la déchéance humaine, surtout à 22 ans. J’avais choisi ce métier un peu par hasard. Après avoir appris la mécanique à Saint-Joseph, j’ai travaillé sept ans à l’usine, en France. Je voulais devenir fonctionnaire et j’ai réussi plusieurs examens avant d’opter pour un emploi de surveillant de prison.»
À Saint-Gilles, les premières années sont difficiles. «La dignité humaine était foulée aux pieds. Les rats et les cafards se baladaient dans les cuisines. Je me suis accroché pour ne pas démissionner…»
Le 1er février 1978, il est muté à la prison de Tournai. «De suite, j’ai été accueilli dans une grande famille, avec une approche humaine. Dans les années 80, nous avons pu travailler dans de meilleures conditions. En 2001, j’ai vu apparaître la première femme gardienne de prison. Nous avions cru que la féminisation engendrerait une diminution de l’autorité; c’est plutôt le contraire qui s’est passé. Les hommes, entre eux, développent un rapport de force. Pas les femmes. Il y a eu davantage de respect. Le seul souci provient des extrémistes musulmans, qui n’apprécient pas le commandement d’une femme. Il faut les remettre en place.»
Il a terminé sa carrière comme premier chef d’équipe des travailleurs: «Ils se rendent utiles dans les cuisines, pour le nettoyage, etc. Mon service gérait entre 35 et 40 détenus, encadrés par une dizaine de gardiens. J’appréciais ce rôle d’assistant social et de psychologue, en gardant les prérogatives de l’agent pénitentiaire.»
La plume alerte de Rudy Vandorpe permet de dévorer les 62 pages d’un livre truffé de péripéties carcérales, des tentatives d’évasion, de rébellions, etc., même si l’agent pénitentiaire a toujours prôné les valeurs humaines. «J’essayais de créer un climat de respect mutuel entre les hommes et le personnel. La justice fait son travail, moi j’ai fait le mien, sans émettre le moindre jugement. La prison doit servir à améliorer, à corriger, à faire réfléchir; et, il y a tellement plus à réaliser que ce que l’on fait! Le monde politique ne s’intéresse pas vraiment à ce qui se passe derrière les barreaux, d’autant plus que les prisonniers, déchus de leurs droits civiques, ne votent plus. Il faudrait investir davantage et offrir une seconde chance quand ils sortent…»
  • Marie-France PHILIPPO - L'Avenir
  • Le «vieux dinosaure» comme l’appelaient affectueusement ses collègues tire un bilan positif de sa carrière: «J’étais le plus vieil agent de la région!
    Si je devais recommencer, je ferais le même choix. J’ai eu l’impression d’être utile à la société.»
    Voilà sans doute la genèse du livre: «Les prisonniers écrivent sur les conditions carcérales, jamais les gardiens. Je voulais pallier le manque. J’ai pas mal hésité sur le titre: “ Ma vie au pénitencier ”: «La réflexion a été menée en compagnie de mon correcteur. Ma vie, cela implique du vécu. Je ne voulais pas utiliser le mot «prison», qui sous-entend l’enfermement. Je préfère «pénitencier», avec l’idée de rédemption. Voilà pourquoi il faudrait engager davantage d’éducateurs, de formateurs et d’assistants sociaux.»
    Après avoir côtoyé tant de malfrats, Rudy Vandorpe ne désespère pas de la nature humaine. «Tout n’a pas été rose et violette, il m’est arrivé d’être agressé et insulté, mais j’ai noué des relations humaines; ce qui est le plus important. La prison de Tournai n’est pas la pire du royaume, loin de là… Avec sa position frontalière, on y trouve pas mal de trafiquants de drogue. Pour certains, c’est un jeu et ils acceptent de faire régulièrement un séjour en prison…»
    Pour ceux qui souhaitent se procurer le livre, sachez qu’il est gratuit : «Je l’ai fait imprimer à 1 000 exemplaires et il n’est pas vendu, mais offert. D’ailleurs, j’en destine 200 exemplaires à mes ex-collègues. J’espère aussi qu’il sera lu dans les écoles et par tous ceux qui s’intéressent à la vie carcérale.»
    Pour recevoir le livre: jmilleville@hotmail.com    


  • Une ancienne photo avec les deux Rudy 
    Le blog haltérophile de Rudy ici

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