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13.4.15

L'école sert à quoi ? Les enfants nous répondent !

Gaspard, 8 ans : « L’école, ça rythme la journée »
On ouvre ce petit tour de table avec Gaspard, élève de 8 ans. Selon lui, l’institution scolaire sert à réguler la journée. « Pour moi, ça nous dit pourquoi on se lève et pourquoi on se couche. Le week-end, par exemple, on reste au lit parce qu’il n’y a pas classe ». Existe aussi en version parent avec le bureau, toujours selon Gaspard.

Issa, 10 ans : « Ça sert à s’améliorer »
Issa, un grand garnement, nous explique que le rôle des professeurs, c’est de faire en sorte que tout le monde ait de bons résultats. Il a une théorie surprenante : « On peut commencer le primaire avec des mauvaises notes, mais, à la fin, avant d’aller chez les grands (ndlr : le secondaire), tout le monde finit avec des bons résultats. C’est ça, le but de l’école : que tout le monde travaille de mieux en mieux avant de trouver un boulot ». Une utopie simple et efficace est en marche.


Sophia, 12 ans : « Apprendre à aimer »
Chez les plus grands, on est davantage dans l’incertitude. La plupart d’entres eux répondent en premier que l’école sert « à rendre sage ». Considèrent-ils alors que le rôle de l’institution est avant tout disciplinaire ? Tous nous parlent évidemment des apprentissages de base, type lire et écrire. Ont-ils l’impression d’être éduqués en tant que citoyens ? D’être préparés au monde du travail ?
À l’unanimité, ils ne se sentent pas concernés du tout par ces questions. En revanche, Sophia donne une réponse magnifique, sur laquelle personne n’aurait jamais parié : « L’école, ça sert à aimer les choses et les gens ». Qu’entend-elle par là ? Elle est plus hésitante sur l’explication. « Je ne me serais jamais intéressée à des trucs comme, j’sais pas, l’électricité, euh, la farine. Et puis, surtout, je n’aurais pas rencontré mon mec. Et tout ça, en fait, c’est que de l’amour. C’est grâce aux profs, aux amis, au fait de venir tous les jours. C’est notre vie. C’est important ». Profitons de ce positivisme innocent, car en secondaire, ça se gâte.


Aïcha, 14 ans : « Flippant ! »
Nous voici donc en pleine ère du secondaire. Ouvrons les hostilités avec Aïcha, bonne élève de 2e dans un établissement considéré comme très exigeant. « Je fais partie des rares qui font bien leurs devoirs et qui ont de bonnes notes. Par exemple, on est en quoi, en février, là ? Depuis la rentrée, je n’ai pas eu un cours qui s’est déroulé dans le calme, pas un cours sans qu’un professeur s’engueule avec une personne de la classe. Je dirais, sans faire de mytho (ndlr : mentir), qu’une demi-heure de classe dans le calme, c’est le max que j’ai vu. Personne n’est motivé. Même pas les profs. C’est la zone. Je peux pas vous dire à quoi ça sert tout ça, franchement. Et puis surtout, je ne sais pas à quoi ça va mener. Et c’est flippant. »



Jules, 15 ans : « Je m’ennuie à mort »
Même impression pour Jules, en 3e, qui vient d’un établissement calme, dans une ville paisible. Trop paisible ? « À quoi ça sert ? À s’ennuyer. Heureusement, il y a les jeux sur le smartphone qu’on peut planquer dans la trousse pour passer le temps. Napoléon, Balzac, tout ça, ça va me servir à quoi ? À trouver un boulot ? »
Gentiment, on lui répond que ce sont des acquis fondamentaux pour la suite. « Si je travaille dans une cuisine, à l’usine ou au bureau, je ne vais pas ressortir mes cours de grammaire. Ils devraient nous dire, les profs : ‘Nous vous apprenons les maths parce que ça va vous servir à calculer les impôts’, des trucs comme ça, non ? ». Il est peut-être important d’expliciter le pourquoi des choses aux élèves, surtout quand on lit la suite.
Nacho, 17 ans : « On nous dresse »
Nacho, en rétho dans une école assez bourgeoise, très fier de son surnom, a une vision bien à lui de l’école. « Mettez bien dans votre journal que ça ne sert qu’à donner raison aux gens qui ont le pouvoir. On ne nous éduque pas, on nous dresse comme des moutons. Lisez un manuel scolaire. Il est écrit par qui ? Par les politiciens. La preuve ? ‘Je suis Charlie’. Pas un prof qui a eu le moindre questionnement à ce moment-là. Ils avaient pour ordre de nous empêcher d’y penser. On a dû écrire un texte à partir d’un dessin de l’autre (ndlr : Charb), là, en classe. C’est pas abusé ? »
Pourquoi pense t-il que l’école le manipule ? « C’est bien pensé, comme ça, on taffe jusqu’à la pension sans faire la révolution ». Nacho a pourtant des résultats encourageants.

Alexander, 18 ans : « Que des sales notes »
Ce qui n’est pas le cas d’Alexander, en rétho aussi, dans une école privée. « J’aime bien l’école, mais j’y arrive pas. Je pense qu’elle sert à nous donner envie de travailler. Mais ça ne marche pas sur moi. Y a tellement de trucs à faire en dehors. J’ai commencé à avoir de mauvais résultats à la fin du primaire. Je suis passé de peu. Et depuis, que des sales notes ! Ce qui m’embête, car mes bons potes sont dans les premiers alors que je me prends en pleine face mes mauvaises copies. Je suis humilié devant la classe. C’est un vrai stress. »
Bon, et la préparation à la citoyenneté ? Non. La préparation au monde du travail ? Bof… Mais alors, qu’ont-ils le sentiment d’apprendre ?


Dave, 17 ans : « Ma motivation à l’école ? Les filles ! »
On trouve enfin un ado qui nous dit du bien de l’école. Finalement, son point de vue n’est pas très éloigné de celui de Sophia , qui termine ses primaires. Pour Dave, en 4e secondaire, l’école apporte quelque chose de fondamental : les copines.
« Je me lève, je bosse et je ne vis que pour les filles. Même pour certaines profs. D’ailleurs, on voit bien plus tard, les peïs galèrent pour se mettre en couple. Tu bosses qu’avec des bonshommes, t’as une vilaine voisine de palier, c’est mort, t’es tout seul. »
Il n’y a donc que ça qu’il y trouve comme intérêt ? « Attends, c’est hyper-important. C’est ça, le truc qui marche. Sinon, on apprendrait derrière un écran chez soi, pépère à la maison, en babouches ! »


Blanche, 16 ans : « Arrêtez de taper sur l’école »
On termine sur une note constructive et déconcertante avec Blanche, jeune fille réservée que l’on croise assise sur un banc, accompagnée d’une amie mutique. Elle réfléchit longuement avant de répondre. Le résumé des différents propos des jeunes de son âge semble l’émouvoir.
« Je trouve dommage, tout ça. On devrait arrêter de taper sur l’école. En fait, qu’est-ce que l’on veut ? Une école parfaite avec des élèves obéissants et des profs heureux ? Ça n’arrivera pas. Nous sommes des êtres humains, mauvais et bons. On s’en sort comme on peut, avec nos failles ». Silence. Est-ce que ça veut dire que rien ne peut changer ? « Si, mais ce n’est pas nous qui le feront ». Mais qui alors ? « Quelque chose de mystérieux, la société, j’sais pas. On donne trop d’importance à l’école. Et puis, ça veut rien dire, ce n’est pas une personne. C’est dans les maisons, entre copains et copines, dans les salles de profs, que les choses changent. Sans chercher un coupable à chaque fois. »
Alors, quel est son rôle, même si ce n’est pas une personne ? « Bah. (Elle ne dit rien pendant de longues secondes)… Nous accompagner, j’crois bien ? »



Le mot de la fin

 Les petits de primaire ont encore des mots doux, des formules innocentes. Ils ne remettent pas trop l’école en question, ils sont confiants. Parfois, ils paraissent plus matures que prévu, Sophia et son « mec » en sont une illustration parfaite. Ils aiment, ils commentent et plus la sortie du cycle se rapproche et plus ils pensent à l’après.
L’après, c’est les « grands ». Avant toute chose, tous leurs propos sont à prendre avec des pincettes. Dès que les ados sont interrogés dans la rue ou par téléphone, on sent bien qu’ils fanfaronnent. Ce manque de naturel est assez jubilatoire, puisqu’il permet de faire ressortir des réflexions souvent surprenantes. Difficile de tirer une impression générale de tout ceci. Là encore, on sent que les rapports sont beaucoup plus violents dans le secondaire. Les élèves l’évoquent comme une sorte de Far West où il peut se passer des choses à la fois très explosives comme très ennuyeuses.
Nuançons le propos : nous interrogeons des jeunes qui balancent entre plein d’extrêmes comme le veut l’adolescence, une période houleuse de la vie. Et si, finalement, aucun d’entre eux ne nous parle de citoyenneté (mis à part Nacho !) et évoque la vie active comme un oasis encore illusoire, c’est que c’est encore trop loin de leur préoccupation première. Au fond, quelle est-elle ? L’autre, tout simplement.
Au final, cette compilation de témoignages reste très contrastée. Ces grands mômes définissent l’école à l’unisson comme un lieu d’échanges, de collectivité, avec toute la brutalité et la beauté que cela comprend.
Puisons un peu de sagesse auprès de Blanche pour s’approcher de la réponse à la question que l’on se pose depuis un gros mois. À quoi ça sert, l’école ? À apprendre à vivre un peu plus.
Yves-Marie Vilain-Lepage

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