Pour
la Journée de la Femme, rencontre avec Nadine Salembier à Comines
Belgique. À 81 ans, fondatrice des instituts Beauté et vie, elle
est devenue fournisseur officiel de la Cour de Belgique. Aux petits
soins de la reine Mathilde, elle s’engage avec la même passion
auprès des villageoises de Cotonou. Interview.
Parlez-nous
de vos origines, de votre enfance…
Je
suis née à Comines dans une ferme. Mes parents étaient des gens de
la terre. Nous étions deux filles. J’ai eu une enfance plutôt
stricte qui me poursuit aujourd’hui encore. Je suis très exigeante
dans le travail et dans le bien-être que j’ai envie de donner aux
autres.
Vous
créez votre premier institut de beauté en 1961, parlez-nous de vos
débuts.
Je
rentrais d’Afrique et j’ai rencontré un chercheur à l’occasion
d’un congrès à Lyon. Cette rencontre a été déterminante. Je me
suis beaucoup intéressée à la cosmétologie. On a beaucoup
travaillé ensemble sur la recherche. Un univers passionnant.
La
femme n’avait pas le même rapport à son corps et à la beauté
dans les années 60 ?
C’est
assez fabuleux. À l’époque, les femmes osaient à peine rentrer
dans un institut. Elles se sentaient fautives et cachaient leur
corps. Pour un massage, elles gardaient leur combinaison ! On ne
montrait pas sa poitrine. Petit à petit, les grandes maisons ont
décomplexé les choses et ont fait en sorte que les femmes prennent
conscience de leur beauté.
Les
femmes d’aujourd’hui sont-elles plus épanouies ?
Elles
sont plus épanouies mais elles ont peut-être perdu cette
insouciance, cette fraîcheur… Elles font face à tellement de
responsabilités. J’ai soigné des jeunes filles à 16 ans pour
leurs problèmes d’acné, j’ai suivi leurs grossesses, je les
retrouve aujourd’hui pour les petits soucis de la ménopause,
quelles que soient les époques, les femmes ont à chaque âge de la
vie leurs questionnements. Heureux ou malheureux. Mais elles ont
toujours eu envie d’être belles.
Cela
veut dire quoi être belle ?
C’est
commencer par être belle dans sa tête et dans son cœur. J’insiste
beaucoup sur la dimension psychologique du soin quand je me rends
dans les écoles. Car nous sommes aussi des confidentes.
Quel
regard portez-vous sur la chirurgie esthétique ? Et
sur cette obsession absolue de la jeunesse ?
Il
y a 30 ans, on pratiquait déjà des petits lifting, de la chirurgie
du buste… La chirurgie réparatrice fait des miracles, je pense
notamment au cancer du sein. Sur le plan du vieillissement, on ne
peut pas repousser les choses à l’infini, il faut un regard
raisonnable sur soi car le vieillissement corporel est là, les
gestes sont là. Il faut rester soi-même avec ses rides d’expression
et ses rides du sourire. On peut vieillir belle !
Comment
on impose sa marque face aux géants de la cosmétique ?
J’étais
tellement consciente d’avoir affaire à des mastodontes que je
m’obstinais à ne pas regarder ces gens-là pour rester moi-même.
Dans le soin. Je me disais que les grands laboratoires avaient les
meilleurs chercheurs, les meilleurs collaborateurs, mais qu’ils
n’avaient pas l’unique chose que j’avais moi : être au
contact de la cliente, connaître sa peau… C’était le seul moyen
de rester petite mais efficace.
Vous
mettez au point vos produits ?
Nos
formules sont mises au point dans un laboratoire en Belgique à
partir de plantes testées cliniquement en amont. Nous sommes des
artisans et j’y tiens.
Quelles
sont vos influences ?
Les
plantes sont ma plus grande inspiration. Ayant grandi à la campagne,
j’ai toujours été proche de la nature. J’ai aussi beaucoup
appris de mes voyages. C’est au Brésil que j’ai par exemple
découvert la Pfaffia, c’est l’une de mes plantes préférées.
Elle a un pouvoir de régénération extraordinaire. L’Asie est une
source inépuisable d’inspiration sur le plan du bien-être, des
techniques de relaxation et de massage.
Un
jour, vous décidez d’aller à la rencontre des femmes en prison ?
Parce
que toutes les femmes ont le droit d’être belles. C’est un
univers si violent. Ce sont souvent des femmes victimes de la
société. L’idée est qu’elles ne s’abîment pas davantage en
prison, qu’elles apprennent à se regarder, à s’aimer. La
première rencontre a été mémorable. Elles étaient à la fois
agressives et écrasées. Quand je suis repartie l’une d’elles
m’a lancé : « Eh, la
vieille tu reviens quand ? » Depuis et à
la demande de cette jeune femme, je suis devenue leur marraine. Elles
m’ont beaucoup appris. En apportant la beauté, on apporte le
bonheur. Et quand une femme est heureuse, elle rayonne.
«J’ai reçu un appel du Palais: la Princesse Mathilde voulait un rendez-vous»
Comment
devient-on fournisseur de la Cour de Belgique ? Un
beau jour, j’ai reçu un appel du Palais m’annonçant que la
Princesse Mathilde voulait un rendez-vous. Pour tout vous dire, j’ai
d’abord cru à une blague. C’était il y a treize ans, au milieu
de l’été.
Pendant
toutes ces années, vous avez dû garder le secret.Oui,
nous avions un devoir de discrétion. C’est devenu public il y a
quelques mois après que le roi Philippe a été intronisé. Nous
sommes une centaine d’artisans à avoir été honorés de façon
très solennelle.
Parlez-nous
de la reine ? Elle vous fait des confidences ? C’est
une femme très simple, très proche des gens. J’ai eu la chance
d’accompagner toutes ses grossesses, c’est une maman
extraordinaire. Elle a un rôle important à tenir mais son plus
grand plaisir c’est de se promener à vélo sur les chemins de
campagne avec ses enfants. Elle aime la vie.
Quand
on côtoie ce cercle fermé et glamour, on arrive à garder les pieds
sur terre ? L’humilité est une force. Je
considère toutes mes clientes comme des reines. La vie doit rester
simple et belle. Même si j’ai appris à m’accommoder des
paillettes…
La
Belgique semble plus avancée que la France sur certaines questions
de société, notamment sur l’union de même sexe. Quel regard
avez-vous porté sur les débats français de ces derniers mois ? Je
suis pour le respect de la liberté. Mais la liberté implique aussi
une certaine forme de sagesse.
Comment
expliquez-vous que les femmes soient si peu représentées dans le
monde économique et en politique ? Vous n’avez pas envie de
les bousculer ?Elles n’ont pas besoin d’être
bousculées. Le problème est qu’on ne les laisse pas se frayer un
chemin.
Que
vous inspire le feuilleton autour de notre first lady ? Chacun
a droit au respect de sa liberté et de sa vie privée. Mais quand on
est un homme public, il y a une forme de devoir à l’égard des
siens et de son peuple.
Vous
êtes présidente du Refuge de Comines (la SPA belge, ndlr) et
administratrice de la Fédération nationale de la protection
animale, pourquoi cet engagement ?
J’ai toujours eu une grande tendresse pour les animaux. Quand je me suis engagée au Refuge, il y a trente ans, il y avait beaucoup de cruauté envers les animaux. Les mentalités ont beaucoup évolué grâce aux associations. Je suis de très près le projet d’implantation d’une usine de visons à Wervik (B) que j’ai découvert dans la presse. Cela fait l’objet d’une mobilisation exceptionnelle côtés belge et français.
J’ai toujours eu une grande tendresse pour les animaux. Quand je me suis engagée au Refuge, il y a trente ans, il y avait beaucoup de cruauté envers les animaux. Les mentalités ont beaucoup évolué grâce aux associations. Je suis de très près le projet d’implantation d’une usine de visons à Wervik (B) que j’ai découvert dans la presse. Cela fait l’objet d’une mobilisation exceptionnelle côtés belge et français.
À
81 ans, vous multipliez les engagements, vous formez des
esthéticiennes du monde entier, vous êtes présidente de la
Fédération internationale de l’esthétique-cosmétique, quel est
votre secret ? Cela n’a pas toujours été
facile. Je suis portée par les autres. J’ai la chance d’être
très bien entourée. Le secret c’est d’y croire, et j’y crois
toujours.
Votre
nom a fait le tour du monde. Votre marque est présente au Canada, au
Maroc, au Liban, en Malaisie, en Chine… Et vous restez fidèle à
Comines ?Beaucoup de mes anciennes élèves
deviennent des partenaires et j’en suis ravie. Ce sont toujours des
structures familiales à l’image des instituts de Comines et
Bruxelles. Je suis restée à Comines parce que j’ai besoin de
rester moi-même.
Vous
avez créé une école d’esthéticiennes à Damas en Syrie,
qu’est-ce qu’elle devient ? Et comment on impose sa vision
de la femme dans un pays musulman ? Cela fait
malheureusement trois ans que je n’y suis pas allée. C’est trop
dangereux. Mais j’ai des contacts réguliers avec l’équipe qui
continue de faire un travail extraordinaire. On a mis du temps à
aborder le soin du corps, mais les choses changent. J’ai rencontré
de très belles femmes en Syrie. Elles ne demandent qu’à
s’émanciper et s’amusent beaucoup de la prétendue hégémonie
de leur mari.
Vous
partez bientôt pour le Bénin ? Oui, j’ai
rencontré lors d’un voyage des femmes extraordinaires à Cotonou.
Je les aide à créer leur coopérative de production de karité.
Elles vont fournir nos instituts. J’en suis si fière.
Par ANGÉLIQUE DA SILVA-DUBUIS Nord éclair france
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