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9.3.14

Comines - Nadine Salembier cultive la féminité à travers le monde

Pour la Journée de la Femme, rencontre avec Nadine Salembier à Comines Belgique. À 81 ans, fondatrice des instituts Beauté et vie, elle est devenue fournisseur officiel de la Cour de Belgique. Aux petits soins de la reine Mathilde, elle s’engage avec la même passion auprès des villageoises de Cotonou. Interview.
Parlez-nous de vos origines, de votre enfance…
Je suis née à Comines dans une ferme. Mes parents étaient des gens de la terre. Nous étions deux filles. J’ai eu une enfance plutôt stricte qui me poursuit aujourd’hui encore. Je suis très exigeante dans le travail et dans le bien-être que j’ai envie de donner aux autres.
Vous créez votre premier institut de beauté en 1961, parlez-nous de vos débuts.
Je rentrais d’Afrique et j’ai rencontré un chercheur à l’occasion d’un congrès à Lyon. Cette rencontre a été déterminante. Je me suis beaucoup intéressée à la cosmétologie. On a beaucoup travaillé ensemble sur la recherche. Un univers passionnant.
La femme n’avait pas le même rapport à son corps et à la beauté dans les années 60 ?
C’est assez fabuleux. À l’époque, les femmes osaient à peine rentrer dans un institut. Elles se sentaient fautives et cachaient leur corps. Pour un massage, elles gardaient leur combinaison ! On ne montrait pas sa poitrine. Petit à petit, les grandes maisons ont décomplexé les choses et ont fait en sorte que les femmes prennent conscience de leur beauté.
Les femmes d’aujourd’hui sont-elles plus épanouies ?
Elles sont plus épanouies mais elles ont peut-être perdu cette insouciance, cette fraîcheur… Elles font face à tellement de responsabilités. J’ai soigné des jeunes filles à 16 ans pour leurs problèmes d’acné, j’ai suivi leurs grossesses, je les retrouve aujourd’hui pour les petits soucis de la ménopause, quelles que soient les époques, les femmes ont à chaque âge de la vie leurs questionnements. Heureux ou malheureux. Mais elles ont toujours eu envie d’être belles.

Cela veut dire quoi être belle ?
C’est commencer par être belle dans sa tête et dans son cœur. J’insiste beaucoup sur la dimension psychologique du soin quand je me rends dans les écoles. Car nous sommes aussi des confidentes.
Quel regard portez-vous sur la chirurgie esthétique ? Et sur cette obsession absolue de la jeunesse ?
Il y a 30 ans, on pratiquait déjà des petits lifting, de la chirurgie du buste… La chirurgie réparatrice fait des miracles, je pense notamment au cancer du sein. Sur le plan du vieillissement, on ne peut pas repousser les choses à l’infini, il faut un regard raisonnable sur soi car le vieillissement corporel est là, les gestes sont là. Il faut rester soi-même avec ses rides d’expression et ses rides du sourire. On peut vieillir belle !

Comment on impose sa marque face aux géants de la cosmétique ?
J’étais tellement consciente d’avoir affaire à des mastodontes que je m’obstinais à ne pas regarder ces gens-là pour rester moi-même. Dans le soin. Je me disais que les grands laboratoires avaient les meilleurs chercheurs, les meilleurs collaborateurs, mais qu’ils n’avaient pas l’unique chose que j’avais moi : être au contact de la cliente, connaître sa peau… C’était le seul moyen de rester petite mais efficace.
Vous mettez au point vos produits ?
Nos formules sont mises au point dans un laboratoire en Belgique à partir de plantes testées cliniquement en amont. Nous sommes des artisans et j’y tiens.

Quelles sont vos influences ?
Les plantes sont ma plus grande inspiration. Ayant grandi à la campagne, j’ai toujours été proche de la nature. J’ai aussi beaucoup appris de mes voyages. C’est au Brésil que j’ai par exemple découvert la Pfaffia, c’est l’une de mes plantes préférées. Elle a un pouvoir de régénération extraordinaire. L’Asie est une source inépuisable d’inspiration sur le plan du bien-être, des techniques de relaxation et de massage.

Un jour, vous décidez d’aller à la rencontre des femmes en prison ?
Parce que toutes les femmes ont le droit d’être belles. C’est un univers si violent. Ce sont souvent des femmes victimes de la société. L’idée est qu’elles ne s’abîment pas davantage en prison, qu’elles apprennent à se regarder, à s’aimer. La première rencontre a été mémorable. Elles étaient à la fois agressives et écrasées. Quand je suis repartie l’une d’elles m’a lancé : «  Eh, la vieille tu reviens quand ?  » Depuis et à la demande de cette jeune femme, je suis devenue leur marraine. Elles m’ont beaucoup appris. En apportant la beauté, on apporte le bonheur. Et quand une femme est heureuse, elle rayonne.

«J’ai reçu un appel du Palais: la Princesse Mathilde voulait un rendez-vous»

Comment devient-on fournisseur de la Cour de Belgique ? Un beau jour, j’ai reçu un appel du Palais m’annonçant que la Princesse Mathilde voulait un rendez-vous. Pour tout vous dire, j’ai d’abord cru à une blague. C’était il y a treize ans, au milieu de l’été.
Pendant toutes ces années, vous avez dû garder le secret.Oui, nous avions un devoir de discrétion. C’est devenu public il y a quelques mois après que le roi Philippe a été intronisé. Nous sommes une centaine d’artisans à avoir été honorés de façon très solennelle.
Parlez-nous de la reine ? Elle vous fait des confidences ? C’est une femme très simple, très proche des gens. J’ai eu la chance d’accompagner toutes ses grossesses, c’est une maman extraordinaire. Elle a un rôle important à tenir mais son plus grand plaisir c’est de se promener à vélo sur les chemins de campagne avec ses enfants. Elle aime la vie.
Quand on côtoie ce cercle fermé et glamour, on arrive à garder les pieds sur terre ? L’humilité est une force. Je considère toutes mes clientes comme des reines. La vie doit rester simple et belle. Même si j’ai appris à m’accommoder des paillettes…
La Belgique semble plus avancée que la France sur certaines questions de société, notamment sur l’union de même sexe. Quel regard avez-vous porté sur les débats français de ces derniers mois ? Je suis pour le respect de la liberté. Mais la liberté implique aussi une certaine forme de sagesse.
Comment expliquez-vous que les femmes soient si peu représentées dans le monde économique et en politique ? Vous n’avez pas envie de les bousculer ?Elles n’ont pas besoin d’être bousculées. Le problème est qu’on ne les laisse pas se frayer un chemin.
Que vous inspire le feuilleton autour de notre first lady ? Chacun a droit au respect de sa liberté et de sa vie privée. Mais quand on est un homme public, il y a une forme de devoir à l’égard des siens et de son peuple.
Vous êtes présidente du Refuge de Comines (la SPA belge, ndlr) et administratrice de la Fédération nationale de la protection animale, pourquoi cet engagement ?


J’ai toujours eu une grande tendresse pour les animaux. Quand je me suis engagée au Refuge, il y a trente ans, il y avait beaucoup de cruauté envers les animaux. Les mentalités ont beaucoup évolué grâce aux associations. Je suis de très près le projet d’implantation d’une usine de visons à Wervik (B) que j’ai découvert dans la presse. Cela fait l’objet d’une mobilisation exceptionnelle côtés belge et français.
À 81 ans, vous multipliez les engagements, vous formez des esthéticiennes du monde entier, vous êtes présidente de la Fédération internationale de l’esthétique-cosmétique, quel est votre secret ? Cela n’a pas toujours été facile. Je suis portée par les autres. J’ai la chance d’être très bien entourée. Le secret c’est d’y croire, et j’y crois toujours.
Votre nom a fait le tour du monde. Votre marque est présente au Canada, au Maroc, au Liban, en Malaisie, en Chine… Et vous restez fidèle à Comines ?Beaucoup de mes anciennes élèves deviennent des partenaires et j’en suis ravie. Ce sont toujours des structures familiales à l’image des instituts de Comines et Bruxelles. Je suis restée à Comines parce que j’ai besoin de rester moi-même.
Vous avez créé une école d’esthéticiennes à Damas en Syrie, qu’est-ce qu’elle devient ? Et comment on impose sa vision de la femme dans un pays musulman ? Cela fait malheureusement trois ans que je n’y suis pas allée. C’est trop dangereux. Mais j’ai des contacts réguliers avec l’équipe qui continue de faire un travail extraordinaire. On a mis du temps à aborder le soin du corps, mais les choses changent. J’ai rencontré de très belles femmes en Syrie. Elles ne demandent qu’à s’émanciper et s’amusent beaucoup de la prétendue hégémonie de leur mari.
Vous partez bientôt pour le Bénin ? Oui, j’ai rencontré lors d’un voyage des femmes extraordinaires à Cotonou. Je les aide à créer leur coopérative de production de karité. Elles vont fournir nos instituts. J’en suis si fière.


Par ANGÉLIQUE DA SILVA-DUBUIS Nord éclair france

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