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28.12.12

Beaucoup d’étudiants en Belgique dépendent du CPAS


En Wallonie, 31,5 % des bénéficiaires du revenu d'insertion ont entre 18 et 25 ans. Ils sont 27,4 % à Bruxelles et 26,9 % en Flandre. Parmi eux, un certain nombre d'étudiants. Philippe Defeyt, économiste à l'Institut pour un développement durable et président du CPAS de Namur, vient de faire le point sur ces jeunes bénéficiaires d'un revenu d'intégration étudiant (ou RI étudiant).
L'étude met en évidence des chiffres extrêmement différents selon les com­munes concernant la mise aux études des 18-25 ans (Exemples : 0 % à Jemeppe-sur­ Sambre, 100 % à Ouffet, 50 % à La Lou­vière, 19 % à Charleroi...). Quatre raisons : 1. Le niveau socioculturel de la population varie très fort d'une commune à l'autre. 2. Un pourcentage important de jeunes qui font des études n'est pas nécessairement positif s'ils aboutissent à des échecs. 3. il existe des filières d'insertion RI étudiant non reconnues, comme la promotion sociale. 4. y a des choix différents d'un CPAS à l'autre, en fonction des conseillers, de leur idéologie, de leur parcours...

Qui sont ces jeunes qui émargent au CPAS ? Philippe Defeyt : « En dehors de quelques jeunes de milieux privilégiés, l'immense majorité que nous aidons sont désargentés, sans soutien, issus d'une cellule familiale déglinguée. Ils nous disent : 'Mon père s'est mis en ménage avec une femme qui ne veut pas me voir. Ma mère vit dans un petit studio ; chez elle, je dors dans le canapé'. Les parents eux-mêmes n'ont pas d'argent, sont déjà aidés par le CPAS. Parfois, le jeune fait des conneries...Pour d'autres, la seule difficulté notable, c'est le manque d'argent parce que leurs parents n'en ont pas ou ne s'occupent pas d'eux. Ou parce qu'il n'y a plus de parents. Ceux-là sont sans argent, mais ont les capacités d'entamer ou de pour­suivre des études. J'insiste, de tous les systèmes d'activation dans les CPAS (trouver un emploi, suivre une formation , un stage d’insertion ou encore des études) Le revenu d'intégration étudiant est un de ceux qui marchent le mieux. Le taux de réussite est relativement correct .»


Quitter ses parents et recevoir presque automatiquement l'aide du CPAS, c'est possible ?Ph. D.:
« Non ! Contrairement à l'idée qui traîne encore, croire qu'il suffit qu'un jeune vienne frapper à la porte du CPAS pour ressortir avec un chèque en main est totalement faux. Des jeunes pensent que parce qu'ils se sont disputés la veille avec leur maman, c'est la fin du monde, le drame absolu, mais ce n'est pas un critère pour obtenir le revenu d'intégration. Comme pour n'importe quelle personne en difficulté, il y a en­quête sociale. Et dans le cas des jeunes qui vivent toujours chez leurs parents, ce qui est le cas de l'immense majorité d'entre eux, une question est posée : y a-t-il de bonnes raisons pour qu'ils revendiquent leur autonomie ? »
Le CPAS contacte-t-il les parents ?
« Dans certain cas, c'est possible. Les parents peuvent donner leur avis, mais c'est nous qui tranchons, dans un sens ou dans l'autre. Et puis, de temps en temps, nous avons des coups de fil de parents qui n'ont pas de nouvelles de leur enfant. Ils nous questionnent, mais la réponse est invariable : nous ne pouvons rien dire. Ni que le jeune dépend de nous, ni même qu'il est venu s'informer. C'est le secret professionnel absolu. Ceci dit, on n'exclut pas qu'il puisse y avoir un avis différent des parents et du CPAS. On a affaire à une matière humaine, on peut se tromper. Et comme un père et une mère peuvent se laisser embobiner par leur jeune, le CPAS aussi peut parfois être embobiné par un jeune qui présente les choses à sa manière... »
Certains CPAS poussent-ils aux études ?
PH. D. : « Ce n'est pas nécessairement comme cela que les choses se passent ! On essaie de trouver pour le jeune la meilleure solution qui n'est pas toujours de faire des études. S'il n'a pas les acquis voulus, par exemple, dire oui à un projet d'études amènerait un nouvel échec. Attention : une partie importante des jeunes ne va pas entamer des études, mais les poursuivre. Un jeune de 18 ans qui n'a pas terminé le secon­daire, par exemple, va demander de l'achever. Enfin, soyons modestes : les CPAS n'ont pas les compétences voulues en matière d'orientation scolaire, d'accompagnement scolaire... Ils doivent s'entourer de conseillers compétents. »




Et s'il rate ? Peut-il recommencer ?
Ph. D. : « Vous mettez là le doigt sur une question très lourde pour les conseillers du CPAS. En effet, en janvier, on peut se rendre compte que cela flotte... On est comme des parents, on se pose les mêmes questions : 'Pourquoi ? Il ne va pas aux cours ? Il a du mal à se situer ? Il a été mal orienté ?'. En juin, le résultat est négatif et, comme les parents de nouveau, on attend septembre : le taux de jeunes qui réussissent généralement en juin est devenu extrêmement faible, il n'y a pas de raison que notre public ne suive pas les mêmes tendances. Arrive donc le moment fatidique de l'échec. On essaie de revoir le jeune, on tente de comprendre ce qui s'est passé et on se pose de nouveau les mêmes questions que dans toutes les familles : l'autoriser à redoubler, chan­ger d'orientation, passer de l'unif à un bac ? On renvoie le jeune vers un test d'orientation... et on tranche. toujours comme des parents. »
Vous dites que le CPAS doit appliquer une forme d'équité... À propos des autorisation d'études ?
Ph. D. : « Il faut une forme d'équité entre ceux qui sont dans nos CPAS et ceux qui n'y sont pas, mais ont des revenus presque aussi bas. On doit affronter cette réalité : je pense que dans un cer­tain nombre de cas, d'un point de vue financier, des jeunes aidés par nos CPAS ont au moins autant, voir plus de facilités que des jeunes issus de la classe moyenne inférieure. Des jeunes dont les parents trinquent, qui n'ont pas la possibilité de permettre à leurs enfants de redoubler ou de recommencer dans une autre filière. Et la seule manière d'assurer cette équité-là, c'est que la Fédération Wallonie-Bruxelles joue son rôle, prenne ses responsabilités au travers de bourses d'études et de règles qui devraient être les mêmes pour tout le monde (on peut ou non recommencer, si oui, combien de fois, à quelles conditions...). »
Le contrat du jeune étudiant impose t-il un travail ?
« C'est un principe, mais chaque CPAS l'interprète à sa manière. Une autre manière pour un jeune de renvoyer l'ascenseur à la société qui lui permet de faire des études pourrait être le volontariat. En effet, un travail d'un mois durant les grandes vacances peut être un vrai handicap pour celui qui passe une seconde session. Mieux ! Les jeunes qui s'en sortent bien pourraient aussi aider un autre jeune, en tant que coach ou 'grand frère'. J'aimerais qu'on réfléchisse dans ce sens-là, plutôt que d'imposer le mois de travail qui peut être lourd. Ceci dit, le changement de règles du travail étudiant, qui autorise un étalement des heures pendant l'an­née, permet de fonctionner différemment.Si le jeune travaille un mois, il ne touche pas de revenu d'intégration. Par contre, si le travail est étalé, le CPAS peut interpréter les règles. Et il y a des interprétations différentes de la même règle. »

Quel est le montant d'un revenu d'intégration étudiant ?
Ph. D. : « C'est un revenu d'insertion comme un autre. Si l'étudiant est cohabitant, vit par exemple avec une maman dont les revenus sont tout petits ou qui touche elle-même un revenu d'intégration, il aura 528 € par mois.
S'il est autonome et isolé, il touchera mensuellement 785 € et ses allocations familiales. De quoi s'en sortir plus ou moins bien, en fonction du coût du kot social ou non, d'une bourse éven­tuelle, de l'aide d'un établissement scolaire... »

Peut-il y avoir récupération du revenu d'intégration auprès des parents
Ph. D. : « Le CPAS peut estimer qu'il est matériellement et humainement possible que des parents assument financièrement leur enfant. Ce dernier doit alors introduire une demande de pension alimentaire via la justice. S'il n'obtient pas satisfaction, le CPAS peut récupérer lui-même le revenu d'intégration étudiant auprès des parents
Propos recueillis par Thérèse Jeunejean





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